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L'entonnoir
29 mai 2011

RESUME la loi réformant les hospitalisations sous contrainte PAR Mathieu BELHASSEM

Salut à tous,

Comme vous le savez, la loi réformant les hospitalisations sous contrainte a été adoptée en première lecture par le Parlement et va être adoptée en deuxième lecture par l’Assemblée Nationale le 31 mai. Elle repassera au Sénat les 15 et 16 juin.

Pour celles et ceux qui n’ont pas eu le temps de lire les nombreuses dépêches de l’APM, les députés ont ajouté des amendements sur l’organisation des soins contraints dans le texte. Ceux-ci se feront désormais sur une « zone géographique » et non plus sur un dispositif sectoriel (cf dépêche en fin de mail).

Plusieurs choses sont prévues qui vont modifier de façon durable nos pratiques, notre indépendance professionnelle et le sens de notre métier.

1)     Dans le service public, les soins prioritaires seront maintenant les soins contraints : que ce soit dans les CMP, dans les HDJ, dans les CATTP ou à l’hôpital puisque « le protocole de soins » concernera toutes les structures de secteur.

Les patients en soins libres, qui viennent avec leur consentement, devront attendre, aller consulter dans le privé si elles ont de l’argent ou échapperont au dispositif de soin comme c’est souvent le cas quand il y a trop d’attente (ce qui est déjà le cas dans les services de pédo-psy avec des listes d’attente de plusieurs mois qui comptent beaucoup de perdus de vue)

Déjà, à l’hôpital de Maison Blanche à Paris, la directrice a dit en CME que cet été, du fait de la pénurie de soignants, des lits seront fermés et que l’hôpital n’accepterait plus que les HDT et HO (car un patient en HDT et HO qui n’est pas sur son hôpital d’origine coûte de l’argent à celui-ci qui doit rembourser l’hôpital d’accueil, alors que les HL ne coûte rien puisqu’ils peuvent aller voir ailleurs). Les HL devront aller, soit dans le privé, soit rentrer chez eux, quitte à revenir dans le dispositif sous la forme contrainte.

 

2)     Dans le secteur privé libéral, les psychiatres seront  obligés de participer à la contrainte (cf. communiqué de la CSMF qui est pour).

Pour tous les psychiatres, c’est donc la fin de toute possibilité de pratiquer des psychothérapies puisque l’ensemble du dispositif public / privé sera engorger par les soins contraints qui seront bien plus nombreux que les 70000 HDT et HO annuels : le principe de précaution, l’urgence et la dégradation de l’accès aux soins aggravant la situation. Le public ne pourra pas tout absorber et les « soins » sans consentement en ambulatoire pourront se traiter, à prix coutant dans le privé.

 

3)     Par ailleurs, au problème de démographie médicale, la loi répond avec le titre de psychothérapeute.

Depuis que l’application du décret sur le titre de psychothérapeute, il y a du personnel moins couteux et formé plus rapidement pour appliquer ce type de soins. Le temps médical ne sera plus consacré qu’à la prescription et à la définition des protocoles de soins et au respect de leur suivi (ce qui va d’ailleurs dans le modèle OMS de la délégation des tâches et du transfert de compétence).

Pour les psychiatres libéraux c’est donc la fin des psychothérapies puisqu’elles ne seront plus remboursées par la CPAM (ou seulement un nombre de séances donné), celle-ci remboursera les psychothérapeutes agréés et enregistré dans les annuaires.

 

4)     Depuis la loi HPST, l’indépendance professionnelle des médecins du public est caduque puisque c’est maintenant le directeur qui nomme les médecins et plus le ministre. Cette indépendance, les psychiatres privés la perdront aussi.

Nous devrons donc appliquer la loi et définir des protocoles de soins comme exigé sinon :

-        sanction administratives et financières pour les psychiatres publics qui seront bientôt payés à la performance avec le nouveau statut de praticien + la VAP (valorisation de l’activité en psychiatrie)

-        sanctions financières pour les psychiatres privés où certains actes ne seront plus remboursés.

 Nous serons donc contraints de faire des soins  auxquels, pour certains d’entre eux, nous ne consentons pas.

 

5)     Pour l’organisation des soins sous contrainte la séquence sera donc calquée sur la prise en charge d’un patient faisant un arrêt cardiaque. C’est la volonté explicite de l’UNAFAM

-        Appel téléphonique d’un centre dispatcher

-        Envoi d’une équipe mobile composée d’infirmiers et de policiers (comme elle est déjà mise en place à Pau et bientôt à Reims)

-        Orientation sur une unité de 72h qui a de la place sur le territoire (régional)

-        Si poursuite des soins en hospitalisation contrainte : envoi sur l’EPS, sinon : retour à domicile avec un protocole de soins pour les soins contraints à mettre en place en ambulatoire.

Ce dispositif est donc basé sur l’urgence et la « mutualisation » des moyens sur tout le territoire par mesures d’économies.

 

Le patient aura donc vu au minimum trois équipes, voire 4 si le dispositif ambulatoire est déconnecté du dispositif hospitalier (comme cela avait été proposé dans le rapport Couty). C’est donc, explicitement la fin de la sectorisation psychiatrique dans sa dimension de continuité des soins : une seule équipe pour la population d’un lieu donné.

 

6)     L’autre nouveauté est l’arrivée du juge dans le dispositif avec notamment la mise en place de « vidéo-audiences » dans les hôpitaux. Le patient, après un certificat médical de non contre-indication, sera placé devant une webcam. Le juge dans son tribunal statuera, sur une image, du bien fondé de la mesure.

 

En bref :

Pour nos patients, cela signifie que ceux qui sont actuellement en soins libres ne seront plus prioritaires pour les consultations, les activités etc. Ils seront, dans une certaine mesure, en rupture de soins par rapport à aujourd’hui. Certains se sentiront lâchés, ce qui précipitera les décompensations pour les plus fragiles.

Pour les patients contraints, s’ils ne respectent pas leur protocole de soin à la lettre, nous devrons prévenir le directeur de l’hôpital, sous peine de sanctions en cas de problème (responsabilité), ce qui complique d’autant la confiance qu’ils nous accorderont. Dans une telle situation, comment se confier sereinement à son psychiatre ? Quid du secret médical ?

L’affaire est sérieuse pour notre indépendance professionnelle de médecins, indépendance par rapport aux tutelles, indépendance dans nos choix cliniques et thérapeutiques et dans l’organisation de notre travail. Aucun psychiatre d’adultes n’échappera à ces remaniements, qu’ils soient publics ou privés.

Enfin, rappelons que le protocole de soins sera défini d’emblée, ce qui va à rebours de la pratique quotidienne où il faut composer en fonction de la singularité de la personne, de ses désirs, de ses impossibilités etc.

Mathieu Bellahsen,

Psychiatre responsable de l’UHTP Alberto Giacometti

Secteur 91G08 - EPS Barthélémy Durand, Etampes.

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