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L'entonnoir
11 mai 2011

"Il faut traiter la folie avec ou sans le consentement du malade"

tribune

Par L'Express, publié le 10/05/2011 à 07:00

 

Faut-il obliger les fous à se soigner? Jean Naudin et Christophe Lançon, professeurs des universités et praticiens hospitaliers, et Samuel Bouloudnine, psychiatre des hôpitaux, livrent leur point de vue.

 

"Il a perdu le sens commun": cette expression, qui peut s'appliquer à la schizophrénie, s'applique désormais à notre société. Le bon sens qui nous permet habituellement de vivre ensemble sans trop de heurts, en intégrant des normes sociales, nous fait défaut. Cette crise génère une grande solitude et s'illustre à travers la logique sécuritaire à l'oeuvre aujourd'hui. C'est dans ce contexte que se fait ressentir le besoin d'une loi nouvelle pour les soins sans consentement. Au coeur du problème, on trouve l'altération d"u discernement propre aux maladies mentales. Elle peut s'accompagner d'une toute-puissance et d'une conviction délirante absolue. Pour que la personne puisse en revenir, il n'y a pas d'autre solution que de la traiter, avec ou sans son consentement.  

Les personnes affectées par des troubles mentaux se sont organisées pour se faire entendre comme des citoyens parmi d'autres et pour que leur maladie ne soit pas pensée comme une incapacité à rejoindre la norme. Nous devons nous interroger aujourd'hui sur le fait que, dans le contexte sécuritaire qui est le nôtre, ce projet de loi a néanmoins obtenu l'assentiment des associations d'usagers. Nous pensons, comme elles, qu'un changement législatif est nécessaire et que, bien mené, il apportera à tous les citoyens davantage de protection et de justice.  

Les dispositions en vigueur posent de nombreux problèmes. Les soins ne peuvent être dispensés sans l'hospitalisation, devenue le passage obligé qui conditionne toute la prise en charge ultérieure. La décision est soumise à la toute puissance du préfet, du maire ou du médecin. Au nom du principe de précaution, on embastille au long cours, on refuse à tel patient étiqueté dangereux le moindre congé d'essai tandis qu'on prolonge indéfiniment celui de tel autre, sans jamais lui rendre vraiment son autonomie. Par ailleurs, la loi actuelle définit le consentement aux soins sur la base d'une liberté de l'individu pensée comme absolue, héritée des Droits de l'Homme de 1789. Or, au vu de nos connaissances actuelles sur la maladie mentale, la liberté doit nécessairement être considérée, dans ce cas, comme relative. Le fameux "consentement éclairé" signé par un patient avant d'entreprendre, par exemple, un traitement anticancéreux, ne peut s'appliquer pour une maladie qui bouleverse le monde de l'individu en profondeur et altère partiellement sa liberté de pensée et d'action.  

Nous réprouvons l'idéologie sécuritaire et nous pensons que le projet de loi soumis au Sénat peut s'en affranchir. Il mérite d'être défendu pour trois raisons. D'abord, il propose des alternatives à l'hospitalisation sous contrainte, sous la forme de soins sans consentement qui autorisent la poursuite de la vie quotidienne. Ensuite, il légifère à juste titre sur la contrainte que présuppose le soin dès lors que le discernement du patient est altéré. Enfin, il renforce le juge dans son rôle de défenseur de la liberté des personnes malades. Quant aux soixante-douze heures d'hospitalisation initiale, rebaptisées "garde à vue psychiatrique" par les opposants au texte, notre expérience nous permet d'affirmer qu'elles constituent la condition minimale d'une évaluation clinique digne de ce nom."  

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